1
La neige recouvrait tout. Les nuages étaient de la neige épaisse, l'horizon était un mur de neige, le sol était un amas de neige. Seules se distinguaient les bourrasques de vent qui dessinaient des tourbillons de grêle.
Dans la tempête uniforme apparurent deux fanions fins et puissants, deux petites torches parallèles, deux yeux qui projetaient une lumière jaune. Ils appartenaient à un être au visage de métal, de la stature et de l'apparence d'un homme grand et puissant, recouvert d'une masse caoutchouteuse, gélatineuse, métallisée, articulée.
Insensible à la tourmente, le robot humanoïde marchait avec aisance, porté par ses pieds en forme de raquette. Sa carapace le protégeait de la neige collée à sa face et à son torse. Malgré la glace qui gagnait sur les chevilles et les jambes, il avançait toujours.
La base d'une falaise apparut bientôt dans ce désert blanc. L'humanoïde accéléra le pas jusqu'à l'entrée d'une grotte, et sans hésiter pénétra dans la pénombre. Sous les rayons vaporeux de ses yeux jaunes, les parois nues de la roche verglacée s'illuminèrent comme du cristal. Plus loin, un objet de métal visiblement abandonné n'attira pas son attention, malgré l'étrangeté de sa présence.
Le pan d'un rocher arrêta son regard.
Sous une fine pellicule d'eau gelée, une scène incongrue et primitive était tracée dans une couleur ocre, représentant un quadrupède poilu lancé au galop. L'humanoïde s'attarda un instant, sans abandonner son indifférence apparente, puis s'enfonça plus profondément dans la caverne.
Il ne fit pas deux pas que ses pieds de géant se posèrent devant le corps inanimé d'une femme. Elle était vêtue d'une combinaison unie dessinant les courbes de son corps, la tête camouflée par le volume des cheveux.
Le robot s'agenouilla et souleva le corps pour le coucher sur le dos. Un visage gelé et sans vie apparut, à la beauté lisse encore intacte. Des lèvres roses donnaient à la jeune femme l'attrait d'une poupée.
D'un geste, l'humanoïde déclencha un mécanisme. Ses yeux s'éteignirent en même temps qu'une lampe fixée sur la poitrine s'allumait, éclairant plus distinctement l'ensemble de la grotte. Des griffes de fer se rétractèrent sur le cou. Le robot saisit son casque et l'ôta, révélant les traits grossiers et la peau suante d'un homme mal rasé, qui inspira l'air frais.
L'homme se débarrassa de ses gants rigides, ouvrit une poche dissimulée dans son armure et en sortit un paquet de Marlboro. Il porta à la bouche une cigarette rapidement allumée, découvrant une dent métallique au milieu d'un sourire blanc.
Sans cesser d'observer la jeune femme, il tendit une main vers le visage si parfait et la posa sur la joue lisse comme du verre. La teinte livide de la peau délicate contrastait avec les doigts chauds et rugueux.
— Goldorak pour Calixte !
L'homme avait lancé cet appel sans qu'il semble adressé à quiconque.
— Calixte, espèce de clown, répondit une voix émergeant de l'armure. C'est sympa de donner signe de vie avant que je m'inquiète.
Le contact radio s'était établi automatiquement.
— C'est nouveau, tu t'inquiètes pour moi, ironisa Calixte.
— Je ne m'inquiète pas, je veille sur le bon déroulement de notre mission.
— Si ça peut te rassurer, j'ai découvert Yoka 27, elle était bien dans la grotte. Je vais tâcher de la ranimer et je te rappelle.
Goldorak ne semblait pas l'avoir entendu.
— Calixte, écoute-moi ça, j'ai réussi à me connecter à Radio Nostalgie.
Bien qu'isolé dans une grotte sans vie au milieu d'un désert de neige, Calixte se retrouva curieusement en liaison avec une émission lointaine diffusant une version légèrement parasitée d'Ainsi parlait Zarathoustra de Deodato.
— Quand j'entends ça, poursuivit Goldorak, j'ai envie de retourner illico à Vesuvio et de me foutre à poil au bord d'un joli petit cratère pour me réchauffer en paix.
— Goldo, tu me fatigues, j'ai du boulot, je te rappelle...
Le contact radio et la musique s'éteignirent immédiatement.
2
Calixte décrocha un appareil intégré à son armure et le posa devant lui, puis souleva délicatement l'avant-bras de la jeune femme et dénuda son poignet. Saisissant la peau fine et blanche à la base de la main, il la tordit. La peau s'étira d'abord, puis se déchira, découvrant des broches et la base d'un circuit électronique.
Attrapant un câble branché à l'appareil posé à ses côtés, Calixte le raccorda au poignet de Yoka 27 et mit le contact. Les yeux de la jeune femme s'ouvrirent et sa main crispée se relâcha. Quelques signaux sonores indéfinis sortirent de sa bouche soudain entrouverte.
— A, abaca, abacule, abaissable, abaissant, abaisse-langue, abaissement, abaisser, abaisseur, abajeu, abajoue, abandon, abandonnataire, abandonné, abandonner, abandonnique...
Yoka se redressa difficilement puis resta assise, les jambes étendues et le dos raide, les yeux braqués devant elle, récitant sa liste à une vitesse sidérante.
— ...Zymotechnie, zymotique, zythum.
Sa voix était maintenant claire et limpide. Son regard sembla enfin s'accommoder et s'accrocha à celui de Calixte, qui lâcha un sourire.
— Bonjour Yoka, mon petit robot chéri.
— Bonjour Calixte.
Sa voix était douce et translucide.
— Décidément j'adore la voix des Yokas.
— Signal Z-437, Usine Microdream de Bamako.
— Et je suis ravi de revoir de beaux yeux si vivants.
— Le modèle de série.
— Une belle réussite néanmoins, ton créateur avait du goût.
Yoka se leva et jeta un regard circulaire sur la grotte. Les traits réguliers de son corps apparurent dans leur souplesse, élégamment soulignés par la combinaison.
— Morphoshop 7.4, c'est le logiciel de graphisme morphosensoriel utilisé par mon créateur.
Calixte esquissa un mouvement de mauvaise humeur, puis laissa passer un silence avant de se redresser d'un mouvement brusque.
— O.K., génial, ravi de faire la connaissance d'une technologie de pointe aussi futée. Mais ce n'est pas tout ça, on doit se tirer, ma mission est terminée.
— La vôtre peut-être, mais pas la mienne, linterrompit 'l'humanoïde. Vous attendrez que j'achève le travail que j'ai commencé ici.
— Il est hors de question que je reste une minute de plus dans cette grotte hostile en aussi désagréable compagnie. Soit vous m'accompagnez, soit je vous laisse vous décharger toute seule. Soyez certaine je ne reviendrai pas vous chercher.
Yoka demeura impassible. Un silence s'installa, dominé par son regard indéfinissable. Subitement, la dent de métal de Calixte s'éclaira entre ses lèvres crispées, jusqu'à devenir presque translucide.
— Sergent Calixte, énonça l'humanoïde d'une voix mécanique, vous êtes en mission prioritaire de l'amirauté. Vous aviez tout pouvoir pour me retrouver, mais vous êtes désormais, selon la mission BRM-413 dont vous a chargé votre chef de corps l'amiral Madrigal, contraint de m'obéir en tout point et de m'aider à accomplir mon devoir.
Calixte resta bouche bée. Sa dent s'éteignit et retrouva son lustre métallique froid.
— S'il vous plaît, ajouta le robot, je ne vous demande rien d'autre que d'attendre dix minutes.
— Putain ce n'est pas possible, s'emporta Calixte en tournant les talons, jamais je ne tomberai sur un putain de robot qui soit un peu cool, bordel !
Il s'éloigna sous le regard impassible de Yoka 27.
— Ça ne serait pas trop vous demander que d'être un peu cool, juste un peu cool !
Sa voix rauque et puissante résonna quelques instants entre les parois de la caverne.
A l'extérieur, l'horizon dégagé dévoilait la neige à perte de vue. Le ciel était gris, mais la tempête avait cessé. Calixte sortit de la grotte d'un pas rageur.
— Goldo pour Calixte !
La radio de son armure s'alluma aussitôt.
— Qu'est-ce qu'il y a beau gosse ? répondit Goldorak.
— Il y a que je n'en peux plus de ces robots qui savent tout sur tout et qui lisent dans mon cerveau comme dans une carte à puce.
— Mais c'est ce qu'ils font, ils lisent dans ta carte mémoire.
— Et bien ça me gave, voilà ! Branche-moi plutôt à ta radio, ça me calmera les nerfs.
Mais seul le son parasité d'une voix déformée lui répondit.
— Laisse tomber Goldo, le signal ne passe pas.
La voix incompréhensible de son collègue était entrecoupée de parasites aigus.
— Qu'est-ce que tu fous ? Coupe ça, c'est insupportable.
Une sorte de cri de terreur lui parvint, suivi d'une explosion violente subitement coupée.
Le silence avait regagné le plateau enneigé.
Dans le dos de Calixte, au loin, une lueur orangée réchauffa subitement le ciel glacé. La sueur froide de Calixte se figea sur ses tempes bleuies, quand il entendit l'écho de l'explosion. Il se retourna dans un geste lent et interrogateur et contempla d'un oeil inquiet le paysage immaculé.
La lueur avait disparu.
3
Calixte s'engouffra dans la grotte et rejoignit rapidement Yoka.
Elle était accroupie au fond d'un boyau. Une lumière rouge dirigée contre une paroi émanait de sa main droite comme d'un outil. C'était un puissant rayon laser qui fendait la pierre. Yoka découpait un bloc rectangulaire dans la roche recouverte de peintures rupestres.
Calixte la regardait travailler, sidéré.
— Ok mademoiselle 27, je ne veux pas être chiant, mais il y a un problème, le bricolage est terminé, on met les voiles.
— Quel est le problème ? demanda Yoka sans cesser de s'activer.
— Le problème c'est qu'il est arrivé un truc grave à mon pote Goldo et que ça sent le roussi. Alors on va voir ce qui se passe et on se tire au plus vite de cette région pourrie.
— Donnez-moi 5 minutes.
— Je n'ai pas une minute à vous donner, ma mission est de vous ramener à votre putain de ministère des Sciences et de l'Avenir. Goldo a un gros problème, nous sommes en danger de mort, alors je prends les choses en main. On se casse, on se tire, on se barre, on laisse tomber la pyrogravure et on reste vigilant avec son joujou laser.
Yoka cessa de travailler et leva son doux regard vers Calixte.
— Sergent, je comprends votre trouble quant à la perte éventuelle de votre camarade...
Calixte resta déconcerté devant le visage lisse mais soudain hésitant de l'humanoïde.
— ... Mais je ne puis vous être d'aucune utilité s'il y a une échauffourée. Mon laser est un outil, ce n'est pas une arme. Il vaut mieux que vous alliez de vous-même constater les faits pendant que je finis mon travail, et que vous reveniez me chercher ensuite.
Le regard impénétrable de Yoka resta fixé sur le visage de Calixte dans l'attente d'une réponse, mais l'homme un instant hésitant avait pris sa décision. Il se leva en ramassant ses gants de métal, et les enfila rapidement.
— Echauffourée, échauffourée... Je vous en foutrai des échauffourées.
Il s'empara de son casque et le fixa à sa base. Aussitôt le système énergétique de l'armure se déclencha, et les deux lumières jaunes s'allumèrent. Le visage de métal s'immobilisa un instant sur celui de Yoka, qui n'avait pas bougé.
Quelques secondes après, Calixte avait décampé.
Il avançait dans la neige avec l'aisance et la vitesse optimales que lui permettaient ses raquettes et son armure de métal. Il avait saisi une arme fixée à sa cuisse droite.
L'entrée de la grotte était déjà loin quand des bourrasques surgirent brusquement. La tempête fit rage autour de Calixte, sans que sa marche ne soit entravée pour autant.
Pourtant il s'arrêta, tourna la tête à droite, puis à gauche, regarda le sol, fit encore deux pas en avant, puis se pencha, écarta la neige du revers de la main et découvrit une pièce de métal.
Continuant à creuser, il constata que la pièce était largement enfoncée, le métal tordu, brisé, comme chauffé à blanc et récemment refroidi. Relevant la tête, il aperçut à quelques mètres une pièce plus importante qui surgissait d'un monticule progressivement recouvert par la neige abondante.
Les restes du vaisseau étaient éparpillés et recouverts d'un épais duvet blanc. Calixte s'assit d'un geste las. Seuls ses deux yeux jaunes luisaient encore dans ce cimetière glacé.
Soudain décidé, il se redressa et voulut prendre le chemin du retour, mais il aperçut, dépassant de la neige brassée où il s'était assis, un poing crispé et glacé. Il s'empressa de creuser, mais constata avec effroi que la main était arrachée au niveau du poignet et cautérisée par le froid.
L'homme dans son armure avançait dans la tempête.
Subitement, un tir de lasers fusa dans un crissement aigu. De sa main libre Calixte saisit son arme, scrutant la vapeur de glace qui l'enveloppait. Ses yeux jaunes étaient une cible luisante dans un tableau blanc.
Une seconde salve lui chauffa le métal des oreilles, mais lui permit de définir la provenance du tir. Il répliqua sur-le-champ. Dans sa coque blindée, pas un son suspect ne lui parvenait. L'ennemi était peut-être touché.
Quand la troisième salve déchira la brume, Calixte s'écroula à terre.
4
Les yeux éteints formaient comme deux trous noirs béants dans le visage de métal. L'armure de Calixte était paralysée. La neige qui tombait toujours le recouvrait progressivement.
Une main souple et chaude se posa sur la cuirasse. C'était Yoka. Elle dévissa avec des gestes habiles et rapides le mécanisme d'accrochage du casque, qu'elle ôta hâtivement.
Calixte aspira une puissante bouffée d'air. Le visage dégoulinant de sueur, les yeux injectés de sang, sa peau était pâle et défaite. Il éructa de rage et parvint à se remettre sur pied. Yoka ramassa l'arme, le casque et la main gelée de Goldorak, puis enroula le bras inanimé de Calixte autour de son épaule.
Ils avancèrent ainsi au coeur de la tempête qui projetait toujours de puissantes rafales. Ils atteignirent bientôt la grotte, dans laquelle Calixte s'effondra, épuisé. Il trouva malgré tout la force de sortir son paquet de Marlboro et de le tendre vers Yoka.
— Je ne fume pas.
Calixte lâcha un rire désabusé.
— Je suis trop con.
Il s'alluma une cigarette et laissa aller son regard vers le poing encore glacé que Yoka n'avait pas abandonné.
— Je vous présente Goldorak. C'est tout ce qui reste de mon pote Goldo.
— Je suis désolée.
— Vous n'avez pas à être désolée... de toute façon c'est cuit pour nous. Nous serons bientôt repérés dans cette putain de grotte qui va devenir notre putain de tombeau.
L'humanoïde ne semblait pas impressionnée.
— Qui vous a attaqué ?
— Je ne sais pas, je n'en ai pas la moindre idée. Il n'y a aucune raison pour que quelqu'un se ballade et tire à vue sur tout ce qui bouge dans cette région de mes fesses de désert glacé.
— Il faut contacter votre base.
— Impossible, ma pile a été touchée. Je ne suis qu'à 17 % de mes moyens.
Calixte jeta sa cigarette et se prit la tête entre les mains.
— Et vous, malgré vos 360 de Q.I. de polytechnicienne de mes deux, vous êtes tout juste bonne à découper des cailloux coloriés et à tomber en panne seule à plus de trois mille kilomètres de la première ville habitée !
Yoka s'approcha de Calixte.
— Comment allons-nous nous en sortir ?
Sa voix s'était adoucie et avait baissé de volume.
— Mais nous n'allons pas nous en sortir ! Je ne suis pas Superman bordel, je ne sors pas de l'imagination délirante d'un fada des biotechnologies, moi. Je suis juste un connard de soldat de base de l'amirauté qui n'a même plus assez d'énergie dans sa pile pour faire fonctionner son putain de laser !
D'un geste enragé il balança son arme de l'autre côté de la grotte. Puis il ferma les yeux, calmé, abandonné à son dépit.
Yoka s'était encore approchée. Elle tendit sa main et glissa ses doigts dans le cou suant de Calixte, qui releva la tête.
— Il y a peut-être une solution, murmura-t-elle.
Elle passa ses doigts légers sur la nuque, puis la joue de Calixte, qui la regarda soudain fixement, comme absorbé par son regard.
Yoka esquissa un sourire, et ses yeux brillèrent d'un éclat de chaleur. Calixte semblait fasciné par l'iris vert du robot. Il lui présenta sa main gantée de fer et la glissa dans ses cheveux, comme pour constater la beauté de la matière. Alors il saisit la nuque. Sa main semblait plus grande que le crâne de Yoka, qui sourit franchement de ses dents blanches parfaitement alignées.
Leurs visages étaient si proches qu'ils allaient se toucher. De l'un des doigts métalliques de Calixte émergea sans un bruit un couteau acéré.
Le sergent de l'amirauté esquissa un sourire crispé, tandis qu'il dirigeait la pointe du couteau à la base de la nuque de Yoka.
— Calixte...
— Oui..., répondit celui-ci dans un souffle à peine perceptible.
— J'ai une idée.
Ses lèvres touchaient presque celles de Calixte, qui serra les dents.
— Ce ne sera pas nécessaire.
Il enfonça le couteau profondément dans la nuque et la tête de Yoka, qui tomba à genou, inanimée.
Son couteau rétracté, l'homme écarta les lambeaux de peau de la nuque du robot et enfonça sa main dans la tête. Le visage de Yoka resta de glace. Du trou béant, il extirpa un cylindre de métal noir et blanc, lisse comme du marbre.
Il lâcha Yoka qui s'écroula au sol comme un pantin désarticulé.
Le poing serré sur le cylindre, Calixte ouvrit de sa main libre une cavité dans son armure, et en délogea un cylindre complètement noir, qu'il jeta machinalement.
Ses gestes se firent soudain plus pénibles. Son armure subitement trop lourde grinça comme une mécanique rouillée. Calixte tendit sa puissante musculature pour plier le bras, ramena le cylindre de Yoka vers sa poitrine sans relâcher l'effort et l'introduisit dans la cavité demeurée libre.
Le geste accompli, l'armure retrouva aussitôt sa souplesse.
— Centre 12 de l'Amirauté pour Calixte S-17 !
Une antenne dissimulée dans la cuirasse s'éleva rapidement au-dessus de la tête du sergent.
— SOS... SOS... Ici Calixte S-17, en mission prioritaire en Europe transalpine. Mission avortée. Sommes attaqués par ennemi indéterminé. Je répète, sommes attaqués par ennemi indéterminé. Demande secours d'urgence au point de ralliement 4 de la mission BRM-413. OVER.
Il éteignit sa radio et s'enfonça dans la grotte, à la recherche d'un abri mieux dissimulé. Mais un objet posé à ses pieds fixa son regard.
Le cadre de pierre découpé par Yoka dans la paroi était posé sur le sol.
Un animal au galop était peint sur la roche. Il était recouvert de longs poils, une corne puissante et droite plantée au milieu du front. A sa droite un être le poursuivait, une sorte de Yeti avec une tête énorme, recouvert comme son gibier de longs poils, tenant un javelot dans sa main droite.
Calixte observa la scène la poitrine serrée. Son regard s'était posé sur la fresque à plusieurs reprises depuis son arrivée, mais il ne saisissait la portée de la découverte que maintenant.
Pourtant il n'eut pas le temps d'en mesurer les conséquences, car des pas lourds et des bruits métalliques dans son dos le firent sursauter. Il se releva lentement, appréhendant ce qu'il allait voir. Quand il se retourna enfin, son visage se glaça d'effroi.
Calixte s'écroula à la première salve de laser. Sa radio s'alluma une dernière fois, sur la musique parasitée de Deodato.
Un filet de sang sortait de la bouche crispée du sergent de l'amirauté. Sur la dent de métal le reflet de la grotte s'anima, et une face repoussante s'approcha. C'était le visage poilu d'une bête étrange, déformée par l'arrondi de la dent, mais sans nul doute semblable au Yeti de la fresque.
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